Une expérimentation, une philosophie
C'est l'une des missions du secours catholique : expérimenter pour faire bouger les mentalités. Cette expérimentation passe par des enquêtes, comme l'Injuste Prix de notre alimentation et par des actions. Par exemple, les chèques alimentation durable qui entrent dans leur troisième phase.
Retour de réunion à Lyon en avril dans le cadre de la campagne Tout le monde à table pour Tiphaine de Varax. La jeune responsable du bassin de vie de Toulon est rechargée à bloc. Ingénieure agronome, elle a la charge d'une thématique taillée sur mesure pour elle, l'accès digne à une alimentation durable et de qualité. « On nous a donné beaucoup de chiffres sur les coûts du système, et après avec tous ces éléments, ça infuse ». Cette réunion d'avril entre le Secours Catholique, le CIVAM, Solidarité Paysans et de multiples partenaires, fait suite à la publication du plaidoyer publié en septembre dernier, l'Injuste Prix de notre alimentation. Une étude qui montre que pour espérer résoudre les problèmes d'impact sur la santé, l'environnement et la société en général, il est essentiel de s'attaquer aux causes, la structure de l'offre : « on pourrait vraiment manger moins cher et de meilleure qualité ».
L'expérience des chèques alimentation pour laquelle la délégation du Var a a obtenu toutes les subventions demandées, répond à cette ambition. Un succès que la jeune femme explique « parce que ça nous ressemble », c'est exactement dans l'ADN du secours catholique. « On se refuse à faire du distributif et ça fait longtemps qu'avec les paniers solidaires... on est dans cette mouvance ».
Lancée il y a un an, l'expérience est entrée dans sa troisième et dernière phase à Barjols et à Brignoles en juin dernier.
Elle a d'abord concerné 20 familles sur trois lieux, Les Arcs, Vidauban et Toulon. « Ce sont des petits volumes, explique Tiphaine de Varax, mais c'est plus simple et on connaît bien les bénéficiaires ». Une manière de dire que le choix des personnes est primordial. D'abord un peu réservée sur l'option bio qui faisait partie du projet, elle s'avoue aujourd'hui « convaincue » parce que c'était plus facile à mettre en place et parce que c'est aussi une manière de faire entrer des personnes dans des magasins où elles ne se sentaient pas vraiment à leur place, « ça lève un frein ». Une lutte contre la stigmatisation qui est aussi un véritable enjeu pour le Secours Catholique.
Déjà des enseignements
Et de fait 90 % des achats sont faits dans des enseignes de supermarchés bio partenaires bien connus et pas chez les producteurs ou sur le marché. «L'impact territorial est réduit, reconnaît la responsable, mais ça correspond bien à des besoins ».
Dans le bassin de vie Provence Verte Verdon où la troisième phase a aussi débuté, l'expérience s'avère aussi riche de lien. Pour Marie-Nathalie Bernard, l'animatrice du bassin de vie, elle a des conséquences inattendues et « très positives en termes de lien et de convivialité » : les bénéficiaires, huit familles en tout, ont mis en place un co-voiturage pour aller faire leurs courses dans le bassin de vie voisin, la Dracénie !
L'impact de ces mesures reste à mesurer et le Secours Catholique a fait appel aux étudiants de l'école Kedge pour soumettre à trois reprises et à intervalles réguliers, un questionnaire détaillé sur les pratiques d'achat et les comportements alimentaires des bénéficiaires des chèques-alimentation.
Ce que l'on peut dire, résume Tiphaine de Varax, « c'est qu'il y a chez les bénéficiaires, une prise de conscience du fait qu'il faut manger mieux et que c'est pas plus cher que les produits surgelés transformés ».
"Aller dans un magasin bio, c'est aussi lever un frein"