Montéty, passerelle vers l'intégration
Entre l'église Saint-Vincent de Paul et les bâtiments flambant neufs qui poussent un peu partout dans le quartier Montéty, se trouve un endroit à part. Face aux voies ferrées, le vieux bâtiment de la paroisse où les ouvriers de l'arsenal venaient suivre des cours de soutien scolaire et de catéchisme reçoit aujourd'hui de nouveaux pauvres : les mineurs non accompagnés, les MNA comme l'administration les appelle, des enfants qui n'ont pas de famille en France. Tous les jours, de petits groupes de cinq jeunes se retrouvent avec un adulte bénévole qui leur apprend un français de base : se présenter, lire un plan, faire un achat... Et même au cœur de l'été, dans l'air étouffant tout juste rafraîchi par le souffle du ventilateur, le rythme se poursuit.
Permettre l'avenir
En moyenne, 45 jeunes adolescents viennent chaque semaine suivre les cours donnés par une vingtaine de bénévoles qui se relaient dans de petites salles. Le décor est celui d'une grande maison de famille, flanquée d'un jardinet où poussent des herbes folles et un bougainvillier. A la tête de cette équipe motivée, Laurent Top. "On est lucides sur ce qu'on fait, explique l'ex ingénieur. L'essentiel c'est d'avancer étape par étape, de leur donner des bases. Et surtout de les amener à reprendre confiance en eux. On donne sans exiger de retour et après un parcours migratoire difficile c'est nouveau pour eux, alors peu à peu ils s'ouvrent ".
C'est le jeune qui est au centre de l'action ici et Laurent Top a fait d'une phrase de Saint-Exupéry sa devise : "Tu n'a pas à prévoir l'avenir mais à le permettre". Le rejet et la violence qui ont marqué le parcours chaque fois unique de ces jeunes paraissent loin, ici tous les bénévoles sont à l'écoute de la diversité.
Un sas vers la nouvelle vie
Pour Mohammed ou Ousmane, pour les jeunes tunisiens, nombreux à Toulon, ou pour les ivoiriens qu'un contrôleur SNCF aiguille parfois vers la maison de l'autre côté de la voie ferrée, la halte à Montéty constitue un sas entre l'ancienne vie et la nouvelle. Tous ceux qui sont reçus ici viennent d'arriver en France et ne sont pas encore scolarisés. Ils restent donc un temps limité et le roulement est permanent. Pris en charge par l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE), parce qu' "il ne faut pas oublier, rappelle Laurent Top, qu'on est un enfant et pas un étranger jusqu'à 18 ans", les adolescents seront évalués avant que le Procureur de la République ne rende une ordonnance de placement provisoire. Deux à trois mois peuvent s'écouler. En fonction de leur âge, les jeunes seront ensuite orientés vers les classes UP2A de l'Education nationale ou vers un apprentissage. Mais s'ils sont suspectés d'être majeurs, et par conséquent relever du droit des étrangers, ils devront alors faire face à d'autres problèmes. 20 % des jeunes sont ainsi exclus du système.
Accompagner et donner du sens
L'accès aux droits et la garantie de ces droits pour chacun sont un autre aspect important du travail à Montéty. "Si du côté de la justice, la procédure est maintenant accélérée, du côté de l'ASE, les choses sont parfois un peu erratiques", poursuit le coordonnateur. Il s'agit donc "d' accompagner, de donner du sens". Mais aussi de recourir au réseau d'avocats « droit et défense des MNA et jeunes majeurs » au cas où il faudrait aller devant le juge des enfants et jusqu'à la cour d'appel face à une décision jugée arbitraire.
Entre 2017 et aujourd'hui, l'aide apportée aux MNA à Montéty a évolué et s'est structurée. Le partenariat avec les autres associations s'est accrue et l'orientation vers un accompagnement favorisant l'autonomie et l'intégration s'est précisée. Mais il reste encore beaucoup à faire, en particulier dans d'autres bassins de vie du Var. Laurent Top veille à répondre aux nouveaux besoins au fur et à mesure qu'ils apparaissent.
Boulevard du commandant Nicolas, le cadre bucolique et studieux offre un havre de paix aux jeunes qui se préparent à cette nouvelle vie qu'ils vont devoir construire pas à pas.
Avant 18 ans, on est un enfant, pas un étranger